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Comme pour l’espace physique, les garçons ont davantage tendance à occuper l’espace sonore, à intervenir sans y avoir été invités, ou à couper la parole pour exprimer leur point de vue (Canopé, 2018). Il est donc parfois tentant pour l’adulte de donner la parole à un garçon qui la demande ostensiblement, au risque de s’exposer à des manifestations de dépit, plutôt qu’à une fille qui lève patiemment la main (Canopé, 2018). C’est d’ailleurs ce qui se passe : « les enseignant-e-s auraient en moyenne 44% des interactions avec les filles et 56% avec les garçons. Ils les interrogent plus souvent et plus longtemps, répondent plus à leurs interventions spontanées, leur donnent des consignes plus complexes, quand ils sont en position scolaire haute, les gratifient de plus d’encouragements et aussi de plus de critiques » (Mosconi, 2004).
Ces différences de traitement de la part des enseignants renforcent les stéréotypes liés aux rôles sociaux masculins et féminins. Filles et garçons peuvent s’autoriser certaines conduites en tant que filles ou en tant que garçons, comme si cet état de fait était le résultat de différences « naturelles » (Canopé, 2018).
Comment éviter, alors, de reproduire les stéréotypes de genre par le biais de nos interactions avec les élèves ? L’égalité de traitement et le rappel explicite de ce principe contribuent à éviter que ne s’installent des habitudes inégalitaires (Canopé, 2018). Voici quelques trucs et activités à faire pour vous assurer que tous les élèves aient le même temps de parole en classe et la même attention de votre part.
- Alternez les tours de parole entre les genres. Sans nécessairement informer les élèves que vous faites cette alternance avec intention, essayez de garder ce principe en tête lorsque vous interrogez les élèves devant la classe.
- Pigez le nom de la personne qui parlera ensuite. Écrivez le nom de chaque élève sur une balle, un carton ou un autre objet et mettez tous ces objets dans une boîte ou un panier. Lorsque vous voulez interroger un·e élève, pigez le nom d’un élève. Choisissez des objets ludiques pour rendre la chose plus intéressante pour les enfants.
- Veillez à répartir équitablement les prises de paroles en termes de temps d’expression : les garçons ayant tendance à parler plus longtemps, invitez-les à répondre dans un temps précis ou à terminer leur idée s’ils s’étendent, et laissez le temps aux filles de réfléchir ou questionnez-les pour qu’elles terminent leur idée.
- Veillez à l’écoute et au respect des prises de parole en portant attention aux interruptions intempestives : les garçons ayant plus tendance à couper la parole, enseignez à vos élèves à écouter leurs camarades et à ne pas couper la parole aux autres.
Le cercle de parole
La pratique du cercle de parole, une technique de communication autochtone ancestrale, en contexte scolaire peut grandement favoriser une prise de parole égalitaire, l’écosociété qui lui est associée étant inclusive et concevant les différences comme étant complémentaires (Lathoud, 2016).
Le cercle de parole traditionnel est ainsi décrit par Lathoud (2016, p. 14), tel qu’il lui a été enseigné par l’Aîné atikamekw Roger Echaquan :
Traditionnellement, les personnes s’installent donc en cercle, à la place de leur choix. La personne qui agit comme guide commence par une cérémonie de purification, un chant, puis se présente en parlant de ses origines, les relations faisant partie intégrante de l’identité de l’individu. Elle donne ensuite la parole à l’hôte de l’activité qui présente le thème de la rencontre et passe une plume (ou un bâton de parole ou un autre objet) à son voisin de gauche. Chacun prend la parole (ou choisit de garder le silence) lorsqu’il reçoit la plume, le bâton de parole ou tout autre objet. Les autres écoutent sans jugement, selon une éthique de non-interférence. On est ainsi à l’aise de s’exprimer sans craindre de se faire interrompre ou contredire, ce qui favorise la liberté d’Être de chacun. L’expérience individuelle est partagée sous forme d’histoires de vie, qui permettent d’appréhender la complexité des réalités et des êtres humains ainsi que l’interdépendance entre les dimensions affective, physique, spirituelle ou mentale. On parle au « je », critère de vérité dans l’épistémologie autochtone qui implique de se responsabiliser pour ses actes, ses pensées, ses émotions et ses apprentissages.
La chercheuse a développé une carte conceptuelle qui permet d’aborder les applications et les retombées du cercle de parole utilisé en classe (Lathoud, 2016, p. 15). En orange, des exemples de thèmes de cercle de parole pertinents en contexte scolaire sont proposés. En turquoise, on retrouve les retombées anticipées dans une perspective autochtone traditionnelle. Enfin, les bulles vertes indiquent les attentes scolaires possibles.
Document
Les principales limites de cette pratique évoquées par Lathoud sont la nécessité de respecter un horaire, le nombre de personnes par classe (les élèves manquant souvent la patience requise pour écouter plus que 15 récits), l’espace disponible dans la classe, l’obligation de participer (mais pas nécessairement de prendre la parole) qui se pose en rupture avec la pratique traditionnelle du cercle de parole, qui ne s’impose pas, et le défi de respecter les cultures autochtones en ne coupant pas dans les pratiques ancestrales pour rendre le cercle de parole adéquat au système scolaire. En résumé, l’utilisation de cette pratique demande de sortir du cadre scolaire rigide et d’explorer une nouvelle forme d’interaction avec les élèves.
Sur le plan de la prise de parole égalitaire, le cercle de parole enseigne aux élèves à ne pas interrompre un·e personne qui parle et à respecter sa prise de parole. Il permet donc aux filles de s’exercer à prendre la parole devant un groupe et aux garçons à exprimer davantage leurs émotions, des compétences qu’ils et elles développent souvent moins en raison de leur socialisation genrée.
Références
CANOPÉ (2018). Repérer les stéréotypes et les préjugés dans le quotidien scolaire, accessible à : https://www.reseau-canope.fr/fileadmin/user_upload/Projets/Plan_egalite_filles-garcons/OEFG_Reperer_stereotypes_prejuges_quotidien_scolaire.pdf
Lathoud, F. (2016). La place du cercle de parole dans le système scolaire, Revue de la persévérance et de la réussite scolaires chez les Premiers Peuples, 2, 14-17.
MOSCONI, Nicole (2004). « Effets et limites de la mixité scolaire », Travail, genre et sociétés, Vol. 1, No 11, pages 165 à 174, accessible à : https://www.cairn.info/revue-travail-genre-et-societes-2004-1-page-165.htm?contenu=resume