Le code vestimentaire et son application constituent souvent un sujet délicat qui ne fait pas consensus au sein des équipes-écoles. Il est parfois source de tensions avec les parents et les élèves. Plusieurs enjeux d’égalité sous-tendent le développement et la mise en pratique d’un code vestimentaire ; cette section en fait un survol.
Bref historique des codes vestimentaires
Au Moyen-Âge, on a commencé à considérer le corps des femmes comme étant impur, un objet de tentation qu’il fallait impérativement cacher pour ne pas susciter l’attention masculine. Au fil des époques, les vêtements dits féminins ont souvent limité la mobilité des femmes (corsets, robes lourdes et amples, par exemple).
La démocratisation de l’accès aux vélos ainsi que l’incursion des femmes sur le marché du travail dans le cadre des deux guerres mondiales amène de plus en plus de femmes à avoir accès au port de pantalons. L’injonction à la minceur fait cependant toujours partie de la mode au 20e siècle.
Les années 1980-1990 voient aussi une remise en question des injonctions contradictoires : être « professionnelle » mais pas trop masculine, « séduisante » mais pas provocante. Même depuis le début des années 2000, les codes vestimentaires restent un terrain de contrôle (ex. débats sur le port du hijab, la sexualisation des filles à l’école, règlements scolaires ciblant les jeunes différemment selon le genre).
Les mouvements féministes contemporains insistent sur le droit à l’autodétermination vestimentaire : que ce soit porter le voile, une minijupe, des vêtements non genrés, etc.
Les discussions incluent désormais les enjeux intersectionnels qui influencent la manière dont les codes vestimentaires pèsent différemment sur les femmes et minorités de genre de diverses origines culturelles ou religions.
Enjeux d’égalité sous-jacents
Hypersexualisation
Le premier enjeu à refaire surface quand on parle de codes vestimentaires, et qui est aussi utilisé pour justifier des règles plus sévères envers les jeunes filles, est celui de l’hypersexualisation. Il s’agit, en d’autres mots, de banaliser la sexualité en appliquant ses codes à des éléments qui n’ont pas nécessairement à être sexualisés. On utilise le sexe « pour faire vendre ». Le corps féminin est objectifié. Ça suppose qu’il faut absolument être sexy et désirable pour exister en société.
C’est ainsi qu’on voit apparaître des vêtements dits « sexy » pour de très jeunes filles, souvent dès l’âge de 6 ans, comme des brassières rembourrées de taille 6 ans, ou des publicités de vêtements où les jeunes filles d’âge primaire sont placées dans des positions sexualisées.
C’est le principal argument utilisé pour l’imposition de restrictions destinées aux filles dans les codes vestimentaires. Or, l’imposition d’une règle simplement en justifiant que ce n’est pas acceptable ou décent, ça n’amène pas les jeunes filles à développer un esprit critique face à la publicité, à développer une saine image corporelle et estime de soi, ni à explorer sainement la sexualité. De plus, en disant aux jeunes filles qu’elles ne peuvent s’habiller de telle ou telle façon parce que c’est indécent ou trop sexy, on sexualise leur corps avec notre regard adulte, alors que tous ces messages ne faisaient probablement pas partie de sa compréhension.
La clé se trouve plutôt dans l’éducation à la sexualité si on souhaite que les élèves se sentent assez bien dans leur peau pour s’habiller comme iels le souhaitent, de les amener à réaliser qu’iels n’ont pas à avoir une certaine apparence pour être accepté·e·s et respecté·e·s par leurs camarades de classe.
Culture du viol ou culture du consentement ?
La culture du viol, ce n’est pas encourager le viol, c’est le banaliser. Il s’agit de tout geste, parole, décision ou comportement qui banalise les agressions sexuelles. On entend parfois dire que les règles du code vestimentaire sont là pour éviter que les garçons soient déconcentrés par une fille dont on verrait la cuisse, l’épaule ou le ventre, par exemple. Inculquer aux filles l’idée de devoir cacher leur corps pour ne pas exciter les garçons, ça fait aussi partie de la culture du viol puisqu’on rend les filles responsables d’une potentielle agression et on croit les garçons incapables de se contrôler.
Un code vestimentaire inclusif va plutôt miser sur la culture du consentement, c’est-à-dire sur la responsabilisation des comportements problématiques (agressions, harcèlement, commentaires sexistes), sur l’éducation à la sexualité positive et aux relations égalitaires, ainsi que sur l’apprentissage du consentement dans toutes les sphères de nos vies.
Culpabilisation de la victime
De la culture du viol découle le concept de culpabilisation de la victime (d’une agression sexuelle), ou victim blaming en anglais. On cherche à savoir si, d’une manière ou d’une autre, ce ne serait pas un peu de sa faute.
- Comment étais-tu habillée quand c’est arrivé ?
- As-tu indiqué clairement que tu ne voulais pas ?
- As-tu dit non ?
Quand on dit aux filles qu’elles vont s’attirer du trouble, de l’attention non désirée ou même des agressions sexuelles si elles s’habillent d’une telle façon, on les blâme à l’avance pour les comportements problématiques des autres.
Stigmatisation sexuelle des femmes
Aussi appelée « slut shaming » en anglais, la stigmatisation sexuelle des femmes se manifeste souvent par des commentaires méchants ou des jugements sévères portés sur des filles qui expriment leur sexualité ouvertement ou, par exemple, qui portent des vêtements « provocants » ou tiennent des propos « osés ». En interdisant les vêtements jugés « sexy », on porte un jugement moral sur les jeunes filles et leurs goûts vestimentaires en les associant à une sexualité que l’on juge inadéquate, sans que ce soit nécessairement ce qui soit voulu par elles.
Grossophobie
Être grossophobe, c’est faire preuve d’une attitude hostile, méchante et discriminatoire envers des personnes qui sont grosses. Le privilège de la minceur, quant à lui, fait référence au fait d’être mince au sein d’une société qui glorifie et encourage la minceur. Notre grossophobie internalisée peut nous pousser inconsciemment à appliquer le code vestimentaire différemment sur les corps puisqu’on peut juger que tel vêtement est acceptable sur un corps mince, mais pas sur un corps gros.
Transphobie et diversité de genre
Les codes vestimentaires sont à risque de renforcer des normes de genres et d’interdire les transgressions de genre en ayant des règles qui sont destinées uniquement à un genre, le plus souvent des restrictions liées à un habillement typiquement féminin. Cela ne crée pas un environnement sécuritaire pour les enfants trans ou en questionnement de leur identité de genre qui souhaiteraient explorer leur identité par le biais de leur style vestimentaire.
Et dans les écoles primaires de la région ?
Dans le cadre du projet Enseigner l’égalité, une analyse de besoins de formation a été conduite dans la région auprès du personnel des équipes-écoles, des organismes communautaires féministes membres de la Table de concertation féministe · Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, et de parents d’enfants immigrants. Quelques questions posées sur les codes vestimentaires de la région et leur application ont permis de comprendre que les situations varient de manière importante d’une école à l’autre.
Il existe à certains endroits des tensions entre les parents, qui soutiennent les choix vestimentaires de leur enfant, et le personnel enseignant qui préfèrerait un respect plus grand des règles d’un code vestimentaire plus strict. Les réponses à notre analyse de besoins témoignent aussi de cas où des élèves du primaire ont été renvoyées à la maison en raison de non-respect du code vestimentaire, étant ainsi privées d’éducation. Plusieurs écoles ont par ailleurs révisé leur code vestimentaire au cours des dernières années, notamment en impliquant les élèves dans une démarche collective.
Entre janvier 2026 et mars 2028, la Table de concertation féministe · Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine offrira gratuitement des ateliers de formation pour le personnel des équipes-écoles au sujet des codes vestimentaires, de même qu’un accompagnement personnalisé pour les écoles qui souhaiteraient procéder à une révision du leur. Contactez-nous !
Photo en vedette: Les As de l’info