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Description brève de l'enjeu
Nous apprenons à utiliser un discours universaliste qui laisse croire que le monde n’est que masculin, ce qui contribue à invisibiliser les femmes. La langue française que nous enseignons aux étudiant·e·s est malheureusement truffée de sexisme et de stéréotypes sexuels (Zaccour et Lessard, 2017). Ces mots connotés selon le sexe sont souvent défavorables aux filles, mais ils peuvent également avoir une incidence négative sur le développement identitaire des garçons. On ne se rend toutefois pas compte de l’incidence que peuvent avoir les mots qu’on utilise.
Cette fiche présente d’abord quelques mots de vocabulaire et expressions porteurs de stéréotypes, des propositions pour remplacer ces mots ainsi qu’une activité à faire avec les étudiant·e·s pour débusquer les stéréotypes qui se cachent dans nos interactions avec ceux-ci et celles-ci.
Expressions et mots stéréotypés
Mot ou expression stéréotypée | En quoi est-ce un stéréotype? | Qu’est-il préférable de dire? |
---|---|---|
Les filles / les garçons | On catégorise les personnes en soutenant qu’il existe une différence entre eux et elles et on fait fi des autres identités de genre. | Gang, groupe, « tout le monde», utiliser les prénoms, etc. |
Ta mère (en parlant de la sphère privée ou domestique) | En faisant référence aux domaines domestique et maternant, il faut éviter de référer systématiquement à la mère. | Tes parents ou ton parent |
Ton père (en parlant de la sphère publique ou du travail) | En faisant référence aux domaines public et du travail, il faut éviter de référer systématiquement au père. | Tes parents ou ton parent |
Ton père et ta mère | En faisant référence aux parents des enfants comme étant toujours un couple hétérosexuel, on fait fi des autres modèles familiaux. | Tes parents, ton parent |
Une infirmière, un mécanicien | En utilisant le masculin pour parler de métiers traditionnellement masculins et le féminin pour les métiers traditionnellement féminins, on renforce ces stéréotypes, surtout dans les programmes menant à ces professions. | Un infirmier ou une infirmière, un mécanicien ou une mécanicienne, une personne qui répare des voitures, etc. |
Mauviette, fillette, moumoune, etc. (utilisés pour dire qu’une personne a peur ou manque de courage) | Ces mots féminins renvoient le manque de courage et de force (la faiblesse ou la peur) au féminin et renforcent l’idée que les femmes sont faibles et que les hommes doivent être forts. | As-tu peur? Qu’est-ce qui te fait peur? |
Homme fort | Lorsqu’on a besoin d’aide pour déplacer un objet, il faut éviter de demander systématiquement aux garçons en leur disant qu’on a besoin « d’hommes forts », car la force n’est pas l’exclusivité des hommes. | Personne forte |
Tomber enceinte / mettre enceinte | L’expression « tomber enceinte » sous-entend la passivité de la femme face à l’homme lors du processus de reproduction alors que « mettre enceinte » place l’homme comme actif (Zaccour et Lessard, 2017, p. 200). | Devenir enceinte, être enceinte |
Le masculin l’emporte sur le féminin
Cette fameuse règle de grammaire n’a pas toujours été appliquée dans la langue française. En français ancien, c’était plutôt l’accord de proximité qui prévalait, permettant d’accorder l’adjectif en genre et en nombre, avec le dernier nom, qu’il soit féminin ou masculin, singulier ou pluriel : « le bol et la tasse bleues ». Or, en 1647, le grammairien Vaugelas, l’un des premiers membres de l’Académie française, affirme que « pour une raison qui semble être commune à toutes les langues que le genre masculin étant le plus noble doit prédominer toutes les fois que le masculin et le féminin se trouvent ensemble » (Labrosse, 2016, citée dans Zaccour et Lessard, 2017b, p. 12). Cette règle, qui nous apparaît de prime abord neutre et naturelle, provient en fait du sexisme et de la domination masculine exercée sur les femmes.
Bien que l’Office québécois de la langue française ne privilégie pas l’accord de proximité (OQLF, 2018a), il précise qu’il faut désormais « employer le masculin générique avec parcimonie pour désigner un ensemble mixte constitué d’hommes et de femmes […] puisque la féminisation linguistique est de nos jours bien présente dans l’usage » (OQLF, 2018b).
Afin de lutter contre les stéréotypes voulant que les hommes soient la norme, il est plus approprié d’enseigner aux élèves le contexte historique et social entourant l’adoption de cette règle (« le masculin l’emporte ») encore aujourd’hui répandue et acceptée. De même, vous pouvez leur enseigner les méthodes permettant de « contourner » cette règle et qui sont approuvées par l’Office québécois de la langue française, comme :
- Utiliser les doublets complets : les enseignantes et les enseignants;
- Utiliser des mots ou des expressions neutres : le corps enseignant, l’équipe-école;
- Utiliser les points médians ou les tirets pour plus de concision : les enseignant·e·s (non privilégié par l’OQLF sur le plan linguistique, mais reconnu sur le plan sociologique).
Pour aller plus loin
Pour adopter un langage non stéréotypé et inclusif de tous les enfants, plusieurs autres ressources existent.
Égalité entre les sexes:
- Dictionnaire critique du sexisme linguistique, par Suzanne Zaccour et Michaël Lessard
- Grammaire non sexiste de la langue française, par Suzanne Zaccour et Michaël Lessard
Langage non raciste:
- L’ABC des Autochtones, Espaces autochtones
Identités de genre:
Références
OFFICE QUÉBÉCOIS DE LA LANGUE FRANÇAISE (2018a). « L’accord de l’adjectif se rapportant à un doublet », Banque de dépannage linguistique, accessible à : http://bdl.oqlf.gouv.qc.ca/bdl/gabarit_bdl.asp?Th=1&Th_id=274
OFFICE QUÉBÉCOIS DE LA LANGUE FRANÇAISE (2018). « Principes généraux de la rédaction épicène », Banque de dépannage linguistique, accessible à : http://bdl.oqlf.gouv.qc.ca/bdl/gabarit_bdl.asp?Th=2&t1=&id=3912
ZACCOUR, Suzanne et LESSARD, Michaël (2017). Dictionnaire critique du sexisme linguistique, Éditions Somme toute, Montréal, 260 pages.